La régulation émotionnelle ou le contrôle émotionnel englobe la capacité à déclencher, inhiber, maintenir ou moduler ses émotions. Il est intéressant de noter qu’en contexte de trauma complexe, plusieurs embûches nuisent à la capacité d’identifier, reconnaître et exprimer ses émotions, mais que c’est également le cas en contexte d’adoption.
L’objectif de cet article est de créer un parallèle entre les défis de régulation émotionnelle présents en trauma complexe avec ceux présents en contexte d’adoption.
Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ?
La régulation émotionnelle est liée à la capacité d’un individu à gérer et exprimer ses émotions. Elle inclut les sentiments subjectifs liés aux émotions (tristesse, colère, confusion, peur, etc.); les processus cognitifs, c’est-à-dire les pensées et souvenirs; les processus physiologiques (rythme cardiaque, activité hormonale, alimentation, sommeil, hygiène) et certains comportements (rire, pleurer, crier, etc.).
Ce mécanisme complexe regroupe toutes les tentatives réalisées par un individu pour apprendre à comprendre, exprimer et moduler son monde émotif intérieur. Ainsi, un enfant, sous l’éducation parentale, apprend à reconnaître (nommer) sa colère et l’accueillir au lieu de crier et frapper son frère ou sa sœur. Un adulte peut exprimer des émotions plus complexes vécues telles que l’énervement, l’exaspération, l’agacement ou la méfiance. Il peut nommer ses besoins et demander à la personne de son entourage d’agir autrement.
Comment est-ce qu’un trauma complexe affecte la régulation émotionnelle ?
En contexte de trauma complexe, la personne est exposée à plusieurs embûches qui nuisent à son apprentissage en lien avec sa compréhension, son expression et sa modulation de son monde émotif (Collin-Vézina, 2019). Par exemple, si un parent manipule et blâme fréquemment son enfant, ce dernier devient confus, se sent invalidé et peut avoir de la difficulté à identifier, reconnaître et exprimer ses émotions et celles d’autrui.
Selon le trauma vécu à l’enfance, les manifestations à l’adolescence et à l’âge adulte sont variables. Elles peuvent être reflétées sous forme de détresse psychologique, dissociation (séparation, déconnexion de la personne à ses pensées, souvenirs, sentiments, émotions et ressentis), problèmes de dépendance (drogue, alcool, jeux, etc.), symptômes somatiques (multiples plaintes physiques persistantes) et comportements auto-destructeurs (automutilation, sexualité à risque).
Que se passe-t-il en contexte d’adoption ?
En contexte d’adoption, la séparation de la personne adoptée de sa mère biologique (figure parentale essentielle) constitue une perte importante dans le récit de vie de la personne adoptée. Elle vit un abandon complet et personne n’est avec elle dans l’immédiat pour apaiser sa tristesse et sa colère, associées à l’internalisation qu’elle fait d’être « un mauvais bébé ». Elle se retrouve souvent sans outils pour effectuer la régulation émotionnelle de base.
À l’orphelinat, les adultes ou les donneurs de soins pourraient ne pas être en mesure d’offrir une réponse sensible et prompte. L’enfant pourrait dans cette situation croire que personne ne peut répondre à ses besoins. Les nourrices, étant souvent assignées à plusieurs enfants simultanément, ne peuvent pas s’occuper d’eux rapidement, menant à de la négligence et de la maltraitance. La réponse d’un bébé dont les besoins sont négligés est soit d’exprimer ses besoins encore plus fort (crier, pleurer, crises de colère) ou de se taire (absence ou peu de contacts visuels, absence ou peu de babillements) et dans certaines situations extrêmes, de se laisser mourir. Encore une fois, personne ne peut l’apaiser immédiatement et complètement.
À l’âge adulte, si cette situation a perduré dans sa famille adoptive, la personne adoptée peut présenter un déficit important de régulation émotionnelle, et donc, comme en trauma complexe, avoir de la difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions ou celles d’autrui. Les mécanismes de défense utilisés par une personne adoptée sont similaires à ceux observés dans le trauma complexe. Il n’est pas rare qu’une personne adoptée ne se souvienne pas d’événements arrivés pendant son enfance ou se rappelle incorrectement de lesdits événements (un signe possible de dissociation).
Conclusion
En conclusion, une personne adoptée et une personne ayant vécu un traumatisme à l’enfance peuvent avoir de la difficulté à réguler leurs émotions de base, telles que la colère, la peur et la tristesse. C’est lors d’un suivi psychosocial ou psychologique, avec le soutien d’un.e professionnel.le de la santé, que l’individu peut apprendre la régulation émotionnelle et comprendre ses mécanismes de défense (dissociation, problèmes de dépendance, détresse, etc.).
Références